A. Au niveau National
Concernant les produits phytosanitaires, les seuls chiffres que l’on puisse obtenir au niveau national sont ceux donnés par l’UIPP (Union des Industries de la Protection des Plantes). Ils représentent les ventes toutes substances confondues à tous les utilisateurs (particuliers, collectivités, agriculture).
Globalement la tendance est la suivante :
On observe un pic en 1999 au-delà des 120 000 Tonnes de substances actives vendues, suivi d’une diminution jusqu’en 2003 (suite à la baisse des doses autorisées de fongicides minéraux).
Le pic de 99 peut être expliqué par le jeu de vente anticipées fin 98 (comptabilisées cependant en 99) pour échapper à la TGAP (Taxe Générale sur les Activités Polluantes) qui entrait alors en vigueur.
Depuis 2 ans la courbe change d’allure et la tendance est de nouveau à la hausse.
A la mi-campagne, les ventes pour 2005-2006 étaient plus faibles, mais cela peut être dû à un retard dans les traitements. On ne sait donc pas si cette tendance va perdurer.
En tout état de cause, les résultats sont sensiblement inférieurs à ceux observés dans les années 90, sans être pour autant révélateurs d’une baisse significative de l’utilisation des pesticides.
Alors que les insecticides connaissaient une relative stabilité jusqu’en 2003, il y a eu une augmentation significative de 8 % au cours de la campagne 2003-2004 suivie d’une autre augmentation de 2,7 % pour la campagne 2004-2005.
Par ailleurs, après une baisse importante de l’usage des herbicides (- 24% entre 2001 et 2003) laissant penser à une évolution vers l’agriculture raisonnée, on observe une augmentation de 6 % pendant la campagne 2003-2004 puis une certaine stabilité jusqu’en 2005.
De même les fongicides ont connu une forte baisse de 31 % entre 2001 et 2004 mais sont en hausse pendant la campagne 2004-2005.
Réglementairement, il est prévu une baisse de 50 % des substances les plus dangereuses (10 % des produits) d’ici 2009.
On peut donc estimer qu’aujourd’hui à peu près 8 000 t de produits dangereux sont consommés et qu’on souhaite ramener à 4000 t cette consommation. Par rapport à la consommation totale cette baisse n’est pas significative.
Les tonnages ne donnent qu’une indication très grossière en terme de pression sur l’environnement car les différentes substances présentent des niveaux de danger très hétérogènes et les substances nouvelles sont en général plus toxiques à faibles doses.
A ce jour, peu de recherches s’orientent vers une pondération des tonnages par type de molécule.
Une question se pose alors : si l’on n’observe pas de diminution significative du tonnage vendu et que parallèlement les substances actives sont de plus en plus performantes (pour certaines molécules on passe de 1 kg de substance active / hectare à 4 gr de substance active / hectare), qu’en est-il du risque encouru ?
B. Au niveau Régional
Il n’y a aucune donnée sur l’évolution des consommations de produits phytosanitaires en Région. Les premiers chiffres datent de 2002 avec les travaux du Groupe Régional d’Etudes des Produits Phytosanitaires (GREPP).
1. Les données relatives à l’évolution de la qualité de l’eau du point de vue de la contamination par les produits phytosanitaires entre 2001 et 2003 en Picardie nous indiquent :
Pour les eaux souterraines :
diminution du pourcentage des eaux de bonne qualité
augmentation du pourcentage des eaux de qualité passable
stabilité au niveau du pourcentage des eaux de mauvaise qualité
— > Globalement une moins bonne qualité des eaux souterraines
Pour les eaux superficielles :
augmentation du pourcentage des eaux de bonne qualité
augmentation du pourcentage des eaux de qualité passable
diminution du pourcentage des eaux de mauvaise qualité
— > Globalement une meilleure qualité des eaux superficielles
Cette étude du GREPP montre que globalement les eaux de surface sont de moins en moins touchées par les pollutions phytosanitaires mais qu’il y a un transfert de pollution vers les eaux souterraines qui peut être rémanent encore pendant de nombreuses années.
2. Les traitements phytosanitaires accompagnent la hausse des rendements.
« De 1994 à 2001, le nombre de traitements augmentent, les mélanges de produits sont plus fréquents mais les doses annuelles à l’hectare se réduisent pour de nombreuses substances actives. »
AGRESTE PRIMEUR décembre 2003 – Nord - Pas-de-Calais / Picardie.
|
|
1994 |
2001 |
---|---|---|---|
Désherbant |
Surface traitée (%) |
99 |
99 |
|
Nombre de traitements | 1,7 |
3 |
Fongicide |
Surface traitée (%) |
99 |
98 |
|
Nombre de traitements |
2,6 |
3,5 |
Insecticide |
Surface traitée (%) |
70 | 62 |
|
Nombre de traitements |
1,3 |
1,2 |
Molluscicide |
Surface traitée (%) |
1 |
24 |
|
Nombre de traitements |
1 |
1,1 |
Raccourcisseur de paille |
Surface traitée (%) | 97 |
94 |
|
Nombre de traitements |
1,4 |
1,7 |
Ensemble des produits |
Surface traitée (%) |
99 |
99 |
|
Nombre de traitements |
6,5 |
9 |
Source : |
3. La part des produits phytosanitaires pour l’agriculture vendus en Picardie dans le chiffre d’affaires national.
Sur la base des chiffres du GREPP, 5500 t de produits phytosanitaires sont consommées annuellement en Picardie, dont 5000 t pour l’agriculture, l’agriculture représente donc 90 % du marché des produits phytosanitaires en Picardie.
Chiffres d’affaire 2005- sources : IUPP
COMPTES DE L’AGRICULTURE | ||
PRODUITS DE PROTECTION DES CULTURES | ||
PICARDIE | OISE | |
1990 | 1413,8 millions de francs | 432,3 millions de francs |
1991 | 1394,0 " | 447,1 " |
1992 | 1316,6 " | 437,7 " |
1993 | 1179,6 " | 384,2 " |
1994 | 1221,8 " | 401,1 " |
1995 | 1427,1 " | 465,2 " |
1996 | 1420,2 " | 479,4 " |
1997 | 1339,0 " | 381,0 " |
1998 | 1445,0 " | 410,0 " |
1999 | 1495,0 " | 424,0 " |
2000 | 219,9 millions d’euros | 62,5 millions d’euros |
2201 | 222,2 " | 63,4 " |
2202 | 238,1 " | 66,1 " |
2003 | 225,3 " | 62,7 " |
2004 | 237,4 " | 63,5 " |
2005 | 249,6 " | non publié |
Sources : AGRESTE |
Si l’on confronte ces 2 tableaux, sachant que d’une part les chiffres d’affaire déclarés par l’IUPP tableau de droite concernent l’ensemble des ventes (agriculture, particuliers et collectivités) et que le tableau de données régionales (tableau de gauche) concerne le budget de l’agriculture picarde pour les produits phytosanitaires, on observe l’évolution suivante :
Evolution de la part de consommation des produits phytosanitaires pour l’agriculture picarde dans le chiffre d’affaires national
1994 : 12 % du chiffre d’affaires national
1995 : 12,4 % du CA national
1996 : 11,6 % du CA national
1997 : 10,5 % du CA national
1998 : 10,73 % du CA national
1999 : 10,55 % du CA national
2000 : 11,69 % du CA national
2001 : 10,95 % du CA national
2002 : 12,8 % du CA national
2003 : 13,5 % du CA national
2004 : 13,2 % du CA national
2005 : 13,3 % du CA national
Cette comparaison de données n’est pas forcement très représentative de l’évolution de la consommation des produits phytosanitaires par l’agriculture picarde car beaucoup de données et de paramètres ne sont pas communiqués. Mais ce calcul permet de pondérer au moins l’évolution régionale qui serait liée à une augmentation nationale du prix des produits.
Selon ces calculs, on peut craindre que la consommation de produits phytosanitaires pour l’agriculture picarde n’ait jamais été aussi importante que ces dernières années.
Une autre étude menée par la Chambre d’agriculture de la Somme sur 4 coopératives du département indique une consommation de 1200 t de produits phytosanitaires vendus en 2005. Les 4 coopératives questionnées couvrent la majeure partie du département sans toutefois couvrir l’intégralité des ventes du département. On pourra dire que la consommation réelle était à minima de 1200 t mais très certainement légèrement supérieure sans toutefois dépasser les 2000 t.
Encore une fois il n’y a pas de données antécédentes pour évaluer l’évolution de ces tonnages.
Conclusion : les quantités de produits phytosanitaires ne sont pas un indicateur suffisant, il faudrait une pondération des tonnages de molécules en fonction de leur dangerosité (il y a actuellement des travaux menés par des groupes de recherches du ministère de l’agriculture sur l’aptitude d’une molécule à se retrouver dans l’eau, etc... – méthode SIRIS).
Sous réserves de la cohérence des calculs faits au paragraphe 3, il semblerait tout de même que la consommation des produits phytosanitaires pour l’agriculture picarde augmente ces dernières campagnes, ou tout du moins rien n’indique qu’elle diminue.
Au niveau national aucune instance gouvernementale ne communique sur les tonnages de pesticides ; seule l’UIPP communique ses chiffres de ventes. Au niveau régional les coopératives ne communiquent pas leur chiffre de ventes. Il n’y a aucune transparence sur cette thématique.
Des espoirs sont portés par l’application de la prochaine loi sur l’eau qui va imposer la coopération, et la nécessité aux coopératives de communiquer les chiffres de ventes par déclaration aux agences de l’eau (qui perçoivent déjà la TGAP vraisemblablement).
Les producteurs devront payer cette taxe sur les quantités vendues en fonction de la dangerosité de la molécule. Cela permettra d’avoir enfin des chiffres (2007 ou 2008), mais il faudra encore attendre plusieurs années pour avoir des idées d’évolution de consommation.
Des lors l’arrêté du 12 septembre 2006 impose des améliorations sur les conditions d’utilisation des produits phytosanitaires, notamment l’enherbage sur une bande de 5 mètres de part et d’autre des cours d’eau devrait faire diminuer l’impact des produits phytosanitaires sur l’eau. Mais qui sera chargé de surveiller les milliers de kilomètres concernés ?
Ainsi, malgré les études et les discours de bonnes intentions qui se succèdent depuis des années, il apparaît que la réduction de l’introduction de pesticides dans l’environnement n’est toujours pas d’actualité.
Il est urgent d’engager un mouvement durable de réduction notable de l’épandage de pesticides, seul à même d’infléchir les conséquences les plus graves qu’en sont la pollution des nappes phréatiques et la réduction de la biodiversité.
Association régionale de protection de la Nature et de l'Environnement
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