La procédure réglementaire d’élaboration du schéma des carrières s’appuie sur l’article L515-3 du Code de l’Environnement qui prévoit l’élaboration d’un schéma favorisant une utilisation économe des matières premières et prenant en compte :
Ce document repose sur une approche prospective à dix ans et se décline à travers des orientations et des prescriptions. Les autorisations d’exploiter doivent être cohérentes avec le schéma qui n’est pas un document opposable, à l’instar d’un Plan Local d’Urbanisme par exemple. Cela signifie qu’il n’a pas un poids réglementaire important mais constitue seulement un document d’aide à la décision pour le préfet lorsque celui-ci autorise les exploitations de carrières en application de la législation des installations classées.
La Picardie recèle un patrimoine naturel d’exception avec différents milieux naturels d’intérêt communautaire remarquables comme la façade littorale et les estuaires de la Bresle, la Somme et l’Authie mais aussi les marais intérieurs et les vallées tourbeuses.
Selon le rapport du CETE Nord Picardie sur l’évaluation des Incidences Natura 2000 du Schéma Départemental des Carrières de la Somme, les travaux du Bureau de Recherche Géologique et Minière (BRGM) ont permis d’identifier les différents types de ressources géologiques disponibles dans chaque département Picard. Ces ressources sont de nature variée et répartie de manière homogène sur le territoire régional.
La superposition du réseau de sites Natura 2000 de la Somme avec les gisements exploitables montre que la presque intégralité de ces sites sont situés sur des terrains géologiques potentiellement exploitables. Autrement dit l’ensemble des habitats et espèces d’intérêt communautaire ayant contribué à la désignation de ces sites en zone Natura 2000 peuvent voir leur état de conservation impactés par l’activité d’extraction.
Le schéma départemental propose donc une hiérarchisation des zonages environnementaux de la manière suivante :
• zonage violet : porte à la connaissance de l’ensemble des acteurs les secteurs où les carrières sont interdites par une réglementation existante. Cette zone traduit une « sanctuarisation absolue » compte tenu de la seule valeur des enjeux, et de par le caractère directement opposable de l’interdiction réglementaire qui amène à classer le secteur considéré en zone violette ;
• zonage rouge : la zone rouge définit ainsi des secteurs à très forts enjeux, non protégés par une réglementation existante, mais où l’objectif est de ne pas porter atteinte aux espèces, aux habitats et aux fonctionnalités écologiques. Elle s’applique en particulier aux secteurs où sont présents des enjeux très vulnérables et non compensables (c’est-à-dire dont la disparition ne pourrait être comblée par des mesures compensatoires) ;
• zonage jaune : la zone jaune définit des secteurs où sont identifiés des enjeux qui appellent une vigilance particulière, sans pour autant que le niveau d’enjeu ne justifie un classement en zone rouge et/ou pour lesquels les données disponibles à l’échelle du Schéma Départemental des Carrières ne permettent pas de caractériser l’enjeu de façon suffisamment précise.
• hors zone : les territoires qui ne sont concernés par aucun zonage ne sont pas nécessairement sans enjeux, mais leurs enjeux peuvent être pris en compte de façon satisfaisante dans le cadre de la procédure d’autorisation usuelle, sans qu’il apparaisse nécessaire de signaler une vigilance particulière.
Lors de la dernière réunion de la commission des sites en formation « carrières » nous avions à examiner une demande des carriers de passer en zone jaune un vaste espace situé dans les bas-champs de Cayeux-sur-mer que la DREAL-Picardie avait classé en zone rouge.
Les carriers expliquent à l’assemblée qu’il s’agit d’un gisement de galets unique au monde pour ses qualités physico-chimiques et source de revenus importants à l’exportation. Ils ajoutent que les entreprises qui exploitent ces galets font travailler plus d’une centaine de personnes. Un élu, membre de la commission prend la parole pour confirmer que c’est une activité et des emplois importants pour la vie locale.
Je pose alors la question de la durée d’exploitation du gisement dans sa partie exploitable (c’est à dire hors zones urbanisées).
Le représentant des carriers répond : 30 ans puis, se voulant rassurant, indique que tout sera fait pour préserver l’emploi au delà, en développant des projets touristiques sur les zones exploitées (de grands plans d’eau).
Je lui demande ensuite s’il existe aujourd’hui des alternatives à l’utilisation de ces galets*.
À ce jour il n’y en n’a pas me précise t-il.
Je jette alors un pavé dans la mare, un galet plutôt, en m’adressant au Secrétaire Général de la Préfecture : l’Etat a-t-il prévu de constituer une réserve de ces galets si exceptionnels pour les générations futures ?
Silence d’étonnement dans l’assemblée. Puis de citer un des considérants de la charte de l’environnement adossée à la Constitution française :
Le peuple français considérant :
que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l’émergence de l’humanité … Qu’afin d’assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leur propres besoins.
Visiblement personne n’a voulu suivre ou comprendre ce raisonnement pourtant simple : un gisement unique au monde pour lequel l’industrie n’a pas d’alternative à ce jour ne doit pas être exploité sur seulement 30 ans pour satisfaire les besoins d’une génération et laissé des miettes à nos petits enfants.
Il va sans dire que ma demande de maintenir en zone rouge cette partie des bas champs de Cayeux n’a pas été suivie. A défaut d’éveiller les consciences, mon intervention aura au moins eu le mérite d’inciter le Secrétaire Général de la Préfecture à prendre la parole en indiquant aux carriers que leur activité ne s’inscrivait pas dans une démarche de développement durable.
Pour le reste, dans le domaine de l’exploitation des ressources naturelles non renouvelables, la transition écologique n’est visiblement pas encore amorcée.
* les galets bleus de Cayeux-sur-mer sont utilisés dans la filtration des eaux, le sablage et décapage, les bétons spéciaux, l’aviculture (graviers) et la production de toiles et de papiers abrasifs.Ils sont également utilisés dans des broyeurs à boulets dans les activités industrielles des pâtes céramiques et la micronisation des minéraux. En les chauffant à 1600 °C ils produisent de la cristobalite blanc neige, qui, après broyage, est utilisée comme matière première de la faïence dite anglaise, comme charge des peintures murales ou routières, des plastiques, des résines, du caoutchouc ou des colles.
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