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Le Conseil d’État veille à ce que l’administration fasse preuve d’une transparence adéquate. Il s’efforce ainsi, par sa jurisprudence, de concilier le principe de libre accès de tous les citoyens aux documents que détiennent les administrations, garanti par la loi du 17 juillet 1978, et la nécessaire confidentialité des données sensibles, intéressant la vie privée des personnes ou mettant en cause le secret industriel et commercial des entreprises.
Le Conseil d’État a reconnu le caractère de « liberté publique » à la liberté d’accès aux documents administratifs (CE, 29 avril 2002, U., n° 228830) : par conséquent, seule la loi peut en définir les contours et limites, c’est-à-dire les administrations concernées, les documents soumis au droit d’accès ainsi que les restrictions et secrets opposables aux demandeurs. Par son interprétation de la loi, le juge administratif, qui ne peut être saisi en la matière qu’après recours préalable auprès de la commission d’accès aux documents administratifs, contribue à définir la portée exacte du principe de libre accès.
I. Les administrations concernées
L’ensemble des personnes publiques ou privées chargées d’une mission de service public doivent respecter la loi du 17 juillet 1978 et répondre aux demandes de communication fondées sur cette loi.
Le Conseil d’État a donné une définition large des personnes privées chargées d’une mission de service public, conférant ainsi à la loi de 1978 son plein effet : outre les cas dans lesquels le législateur a entendu qualifier ou dénier cette qualification à un organisme, est une personne privée chargée d’une mission de service public celle qui, pour l’accomplissement d’une mission d’intérêt général, s’est vu confier des prérogatives de puissance publique sous le contrôle de l’administration, mais aussi celle qui, eu égard à l’intérêt général de sa mission, à ses conditions de création, d’organisation et de fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées et aux mesures mises en œuvre par les personnes publiques pour s’assurer que les objectifs qui lui sont assignés sont atteintes, sont investies par l’administration d’une telle mission (CE, Sect., 22 février 2007, Association des personnels relevant des établissements pour inadaptés, n° 264541). Tel est le cas, par exemple, du Centre d’études sur l’évaluation de la protection dans le domaine nucléaire, association créée par EDF, alors établissement public, et le commissariat à l’énergie atomique (CE, 25 juillet 2008, Commissariat à l’énergie atomique, n° 280163).
Lorsqu’un service d’une administration est saisi d’une demande de communication de documents administratifs mais qu’il ne détient pas le document, il doit rechercher si un autre service relevant de la même direction le possède : il ne peut se contenter d’inviter le demandeur à saisir lui-même le service compétent (CE, 14 novembre 2005, F., n° 262358). Cette jurisprudence du Conseil d’État permet d’éviter de faire peser sur les demandeurs les conséquences d’une organisation administrative souvent complexe et dont les subtilités ne sont pas connues des citoyens. Il faut ajouter que, au-delà des services d’une même direction, une autorité administrative saisie à tort est en principe tenue de transmettre la demande dont elle est saisie à l’autorité susceptible de pouvoir la satisfaire, en vertu de l’article 20 de la loi du 12 avril 2000.
II. Les documents administratifs
Les documents détenus par les administrations soumises à la loi du 17 juillet 1978 dans le cadre de leur mission de service public sont des « documents administratifs », comme tels communicables de plein droit à toute personne qui en fait la demande, sous les réserves prévues aux articles 2 et 6 de cette loi (voir sur ce dernier point infra III.). Il suffit que le document soit détenu par l’administration : peu importe qu’elle n’en soit pas l’auteur (CE, 25 juillet 2008, Commissariat à l’énergie atomique, cité ci-dessus : à propos des comptes annuels, rapports des commissaires aux comptes, procès-verbaux des assemblées générales…).
Si, de manière générale et en vertu du principe de séparation des pouvoirs, les documents détenus par le juge et relatifs à une procédure juridictionnelle en cours ne sont pas des documents administratifs, un rapport élaboré par une administration reste un document administratif alors même qu’il est transmis à un juge dans le cadre d’une procédure pénale : tel est le cas du rapport sur les causes de l’effondrement d’une partie du terminal 2 E de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, que le Conseil d’État a jugé communicable à toute personne (CE, 5 mai 2008, SA Baudin Châteauneuf, n° 309518) ou encore des procès-verbaux et rapports destinés au ministre chargé de l’économie et établis, dans le cadre d’enquêtes administratives diligentées en matière de pratiques anticoncurrentielles, par des fonctionnaires habilités à cet effet (CE, 1er mars 2004, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ Société civile de moyens « Imagerie médicale du Nivolet », n° 247733).
Constitue également un document administratif la fiche pénale établie pour chaque détenu par le greffe de l’établissement pénitentiaire, mise à jour tout au long de la détention et comportant notamment la référence et les effets de chacune des décisions juridictionnelles relatives à l’incarcération de l’intéressé, à sa condamnation et à l’exécution de sa peine (CE, 20 avril 2005, Garde des sceaux, ministre de la justice c/ S., n° 265326). L’objectif général de transparence administrative rejoint ici le souci du Conseil d’État de ne pas priver les détenus des garanties reconnues aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques.
Le Conseil d’État a en outre donné une interprétation restrictive de la notion de « documents des assemblées parlementaires », pour lesquels la loi du 17 juillet 1978 ne prévoit aucun droit d’accès. Ainsi, des documents élaborés sur la base de demandes et investigations réalisées auprès des Témoins de Jéhovah par la direction centrale des renseignements généraux, qui font état de la situation patrimoniale et financière des associations locales des témoins de Jéhovah et ont été collectés par les agents de la direction centrale des renseignements généraux à l’occasion des travaux de la commission d’enquête parlementaire relative aux sectes en France, ne sauraient être regardés comme des documents parlementaires bien qu’ils aient été transmis à l’Assemblée nationale en vue de l’élaboration de son rapport, dès lors d’une part, que la direction centrale des renseignements généraux en est le détenteur, et d’autre part que les documents litigieux, préparés aux fins de réactualisation des dossiers détenus par l’administration, n’ont pas été recueillis exclusivement pour les travaux de la commission parlementaire : il s’agit donc de documents administratifs (CE, 3 juillet 2006, Ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire c/ Fédération chrétienne des témoins de Jéhovah de France, n° 284296).
Le Conseil d’État a revanche estimé que les sujets d’oraux utilisés d’année en année, pour leur plus grande part, aux épreuves orales de l’examen d’accès au centre régional de formation professionnelle d’avocats (CRFPA) sont des documents internes confectionnés et utilisés par le jury d’examen et ne sont pas, par leur nature et leur objet, au nombre des documents administratifs communicables (CE, 21 décembre 2007, L., n° 294676).
III. Les restrictions et secrets opposables
L’article 2 de la loi du 17 juillet 1978 prévoit que le droit d’accès aux documents administratifs ne peut pas s’exercer dans certaines hypothèses, notamment lorsque le document est inachevé, qu’il fait l’objet d’une diffusion publique, ou qu’il revêt un caractère préparatoire à une décision administrative en cours d’élaboration. Le Conseil d’État a par exemple jugé qu’un rapport d’inspection demandé par le ministre de l’intérieur en vue d’adopter des mesures relatives à l’organisation du service des étrangers dans les préfectures et à l’amélioration du service rendu n’était pas séparable du processus de décision qui devait conduire à l’intervention de cette réforme et qu’il revêtait donc le caractère d’un document préparatoire, non communicable (CE, 9 juillet 2003, Ministre de l’intérieur c/ GISTI, n° 243246).
L’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 limite le droit d’accès aux documents administratifs soit dans l’intérêt général, soit dans l’intérêt des citoyens ou des entreprises qui ont fourni à l’administration des informations les concernant. Le Conseil d’État a eu à interpréter ces dispositions dans plusieurs décisions récentes, en veillant à concilier transparence et confidentialité.
Ainsi, la base de données CEZAR (« Connaître l’évolution des zones à risques ») de la société nationale de chemins de fer français, qui traite, par le recensement des incidents de toute nature portant atteinte aux biens et aux personnes, de « l’évolution des zones à risques » dans le système ferroviaire national, contient des informations dont la communication mettrait en cause la sécurité publique prévue par le I de cet article 6 et qui ne sont pas divisibles du reste de la base : elle n’est donc pas communicable (CE, 11 juillet 2008, SA d’exploitation de l’hebdomadaire « Le Point », n° 304752).
Saisi de la question de la communicabilité des informations relatives au lieu de dissémination d’organismes génétiquement modifiés, dont la divulgation pourrait porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens, le Conseil d’État a posé une question préjudicielle à la Cour de justice des communautés européennes afin de savoir si les textes communautaires s’opposaient à un refus de communication fondé sur un tel motif (CE, 21 novembre 2007, Commune de Sausheim, n° 280969). La Cour de justice a répondu à cet égard que la sécurité publique, des personnes et des biens n’était pas susceptible de justifier un refus de communication des informations relatives à la localisation des cultures OGM que détient l’administration (CJCE, 17 février 2009, Commune de Sausheim, aff. C-552/07).
Ne sont pas communicables les déclarations établies par les redevables de la taxe générale sur les activités polluantes détenues par les agents des douanes, ces derniers étant tenus au secret professionnel (CE, 21 mai 2008, Ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique c/ Communauté d’agglomération du bassin d’Aurillac, n° 306138).
L’administration peut également refuser de communiquer aux tiers les études et consultations juridiques rédigées à leur attention par leur conseil juridique, qui sont couvertes par le secret des correspondances entre les avocats et leurs clients (CE, Ass., 27 mai 2005, Département de l’Essonne, n° 268564).
IV. Les modalités de communication
Les administrations doivent communiquer les documents qu’elles détiennent dans les conditions prévues à l’article 4 de la loi du 17 juillet 1978, qui prévoit que l’accès s’effectue selon les modalités souhaitées par le demandeur, dans la limite des possibilités techniques de l’administration. Toutefois, lorsqu’il est établi que le document a été perdu ou détruit, le droit d’accès ne peut plus s’exercer (CE, 11 décembre 2006, Ministre des affaires étrangères c/ L., n° 279113).
Les demandes peuvent être formulées par une personne mandatée à cet effet, y compris en matière d’accès aux informations à caractère médical (CE, 26 septembre 2005, Conseil national de l’ordre des médecins, n° 270234).
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